Une source de fatigue, mais aussi de maladies cardiovasculaires
Le syndrome d’apnées du sommeil (également appelée syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil, ou SAHOS) se manifeste par des interruptions répétées et incontrôlées de la respiration pendant le sommeil. Elles entrainent des micro-réveils incessants dont le patient n’a pas conscience. Il en résulte des somnolences diurnes, des difficultés
de concentration ou de mémoire. Il en résulte aussi des complications cardiovasculaires, sources de surmortalité. Les chercheurs tentent de comprendre les liens de cause à effet.
Le syndrome d’apnées du sommeil se manifeste par la fermeture répétée du conduit aérien au niveau du pharynx, pendant 10 à 30 secondes ou parfois plus, à raison d’au moins cinq événements par heure de sommeil. Certains patients connaissent plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’apnées au cours d’une même nuit.
Ce phénomène est dû au relâchement des muscles des parois du pharynx. Celui-ci devient mou et l’air passe difficilement, provoquant au passage des vibrations qui créent un ronflement. Si les parois s’effondrent totalement, le passage de l’air est bloqué et c’est l’apnée.
Un système d’alerte se déclenche alors dans le cerveau, provoquant un micro-réveil qui permet lui-même l’activation d’un système neurologique réflexe. Ce dernier va conduire à la contraction des muscles, l’ouverture
de la trachée et la restauration du passage de l’air. La respiration reprend… jusqu’à l’obstruction suivante. On parle de micro-réveils car le patient n’en a pas conscience.
L’incidence du syndrome d’apnées du sommeil augmente de façon quasiment linéaire en fonction de l’âge chez les adultes : 7,9% des personnes âgées de 20 à 44 ans, 19,7% des 45-64 ans et 30,5% des personnes de plus de 65 ans sont concernées. Néanmoins, ces chiffres sont probablement sous-estimés compte tenu du caractère asymptomatique du syndrome chez certaines personnes.
L’apnée est par ailleurs deux fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Favorisée par le surpoids, on la trouve souvent associée au syndrome métabolique syndrome métabolique.
Troubles d’origine glucidique, lipidique ou vasculaire, associés à une surcharge pondérale, qui vont provoquer un diabète de type 2 et prédisposer à l’athérosclérose. Les chercheurs font l’hypothèse que
les diverses manifestations de ce trouble répondent à un faisceau commun de mécanismes moléculaires et cellulaires. ou au diabète. Plus de 60% des individus présentant un syndrome métabolique font des apnées du sommeil et environ 16% des diabétiques de type 2.
Ce syndrome touche près de 2% des enfants âgés de deux à six ans, le plus souvent en raison de grosses amygdales et des végétations qui obstruent leurs voies respiratoires. Le traitement consiste donc à leur retirer. Néanmoins, il apparaît que l’obésité accroit nettement le risque d’apnées du sommeil chez les enfants et les adolescents.
L’âge constitue donc le principal facteur de risque d’apnées du sommeil.
Le vieillissement est en effet associé à une perte de souplesse des voies aériennes respiratoires, probablement en raison de l’affaiblissement neuromusculaire, conduisant à une plus grande facilité « d’effondrement » du pharynx.
Le surpoids, et plus particulièrement l’obésité, est un second facteur de risque important. L’apparition de dépôts graisseux le long du pharynx, entraînant un rétrécissement des voies aériennes et une diminution du volume du conduit respiratoire, explique cette association.
Et si le fait d’être un homme et non une femme accroit le risque d’apnées du sommeil, cette différence devient moins perceptible après la ménopause. Ceci suggère une explication hormonale, jouant sur la résistance des tissus. Ce point reste toutefois à clarifier.
Il existe par ailleurs une susceptibilité individuelle au syndrome :
tous les hommes obèses et âgés ne font pas d’apnées du sommeil !
Une composante anatomique intervient dans cette susceptibilité :
une petite mâchoire, point d’ancrage du système pharyngé, réduit en effet l’espace rétro-lingual (i.e. derrière la langue) et le passage de l’air.
En outre, il existe une prédisposition familiale : bien qu’aucun gène associé à ce syndrome n’ait été identifié à ce jour, le fait d’avoir un père
ou une mère atteint d’apnées du sommeil accroît le risque pour soi-même.
La fragmentation du sommeil due aux micro-réveils entraine une fatigue chronique et une somnolence diurne, principal symptôme du syndrome et premier motif de consultation.
Les endormissements involontaires auxquels sont exposés les patients dès que l’environnement n’est plus stimulant sont dangereux :
ils augmentent le risque d’accident domestique ou d’accident de la route.
Cette fatigue est en outre souvent associée à des difficultés de concentration, d’attention ou de mémorisation, une irritabilité ou encore une baisse de la libido. Ces symptômes sont réversibles :
ils disparaissent grâce au traitement des apnées. Mais, certains troubles
de la mémoire peuvent persister, étant éventuellement liés à un début de démence liée à l’âge.
Moins grave, mais gênant pour le patient et son entourage, les apnées du sommeil s’accompagnent le plus souvent de ronflements, d’une respiration haletante et de reprise de respiration bruyante, d’un sommeil agité ainsi que d’un besoin accru d’uriner la nuit.
Il est par ailleurs établi que les apnées du sommeil augmentent le risque de troubles cardiovasculaires, comme un syndrome métabolique (associant une obésité abdominale et des troubles du métabolisme), une hypertension, des troubles du rythme cardiaque notamment la nuit, une arthérosclérose (dépôts de plaques d’athérome sur la paroi des artères) ou encore un diabète de type 2. Ces différentes complications augmentent le risque d’accident cardiovasculaire de type arrêt cardiaque, infarctus du myocard, accident vasculaire cérébral, et exposent à un risque de décès prématuré.
Les hypoxies, hypoxies, Diminution de la quantité d’oxygène apportée aux tissus. (manques d’oxygène) associées aux apnées sont impliquées dans ce phénomène puisque leur fréquence et leur importance sont prédictives de la mortalité cardiovasculaire chez les patients. Les micro-réveils déclenchés par les hypoxies entrainent l’activation du système nerveux sympathique. Une des parties du système nerveux autonome, responsable des activités inconscientes de l’organisme, comme le rythme cardiaque ou la contraction des muscles lisses, responsable
du contrôle d’un grand nombre de fonctions « inconscientes » de l’organisme (contrôle du rythme cardiaque, de la contraction des muscles lisses…).
Ces contrôles s’effectuent via la libération de facteurs, comme le cortisol
ou l’adrénaline, qui modifient les paramètres métaboliques et cardiaques.
Il existe également une explication mécanique au lien entre apnées du sommeil et troubles cardiovasculaires : en cas d’obstruction des voies respiratoires, le sujet poursuit ses efforts respiratoires pour faire revenir l’air. Cela modifie la pression intra-thoracique et augmente le travail à fournir par le cœur.
Des mécanismes inflammatoires sont aussi montrés du doigt. Les apnées du sommeil sont en effet associées à une circulation accrue de facteurs d’inflammation et à l’augmentation du stress oxydatifstress oxydatif. Déséquilibre entre la production par l’organisme d’agents oxydants nocifs (radicaux libres, notamment) et celle d’agents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entraîne une inflammation et la survenue de mutations de l’ADN., délétère pour les cellules et impliqué dans les maladies cardiovasculaires.
Enfin, les personnes souffrant d’apnées du sommeil présentent souvent une dysfonction des cellules
endothéliales qui tapissent la paroi des vaisseaux sanguins. Cette anomalie est associée à une augmentation de la pression artérielle et à un risque d’athérosclérose par la suite. Récemment, une équipe de l’unité Inserm 1063 (Angers) a montré que des vésicules circulantes issues de leucocytesleucocytes. Aussi appelés globules blancs, ce sont des cellules du système immunitaire. (des cellules du système immunitaire) étaient surreprésentées chez les patients faisant des apnées du sommeil, et qu’elles contribuent à ces dysfonctions endothéliales.
Le diagnostic du syndrome repose sur des enregistrements du sommeil réalisés dans un centre spécialisé ou au domicile du patient.
Après un diagnostic de syndrome d’apnées du sommeil et lorsque le trouble est associé à un surpoids, la première mesure consiste à perdre du poids. Une réduction de 10 à 15% de son poids initial réduit nettement la sévérité des apnées du sommeil.
Au-delà de cette mesure, la ventilation en pression positive continue est le traitement de référence du syndrome. Elle repose sur l’administration d’air en pression continue pendant la nuit, pour éviter la fermeture du pharynx. Cette technique est efficace, mais elle nécessite le port d’un masque relié à une machine qui tourne en continu, pendant toute la nuit.
Autre solution : l’orthèse buccale. Il s’agit d’un appareil amovible, moulé sur les mâchoires du patient, qui se porte la nuit et permet d’avancer la mâchoire de quelques millimètres pour étirer le pharynx. Cette approche est généralement réservée aux apnées modérées.
Enfin, dans de rares cas, une prise en charge chirurgicale peut être proposée à des patients présentant des anomalies anatomiques majeures (très grosses amygdales, petite mâchoire…).
L’apnée du sommeil fait l’objet de travaux à la fois fondamentaux et cliniques pour mieux comprendre les liens entre ce syndrome, les complications cardiovasculaires associées et la surmortalité observée chez les patients.
Plusieurs essais cliniques ont évalué l’intérêt d’interventions médicamenteuses pour réduire l’apparition des troubles cardiovasculaires chez les patients présentant des apnées du sommeil : statinesstatines. Molécules hypolipidémiantes utilisées dans la prévention des maladies cardiovasculaires., polyphénolspolyphénols. Famille de molécules présente dans le règne végétal. de raisin (antioxydantsantioxydants. Molécule qui capte les radicaux libres, des composés toxiques issus de la « respiration » des cellules.), antagonistesantagonistes. Molécule se fixant sur un récepteur à la place du messager habituel et inhibant ainsi l’activation de ce récepteur. de récepteurs endothéliaux, anti-leucotriènes… diverses molécules ont été testées, mais sans résultat satisfaisant à ce jour.
A Angers, l’équipe du Dr Ramaroson Andriantsitohaina s’intéresse particulièrement à la dysfonction endothéliale (voir plus haut), un phénomène plus fréquent chez les sujets présentant des apnées du sommeil que dans la population générale. Son équipe étudie actuellement une protéine impliquée dans la perméabilité des cellules endothélialescellules endothéliales. Cellules qui tapissent la face interne des vaisseaux sanguins., qui pourrait constituer une cible thérapeutique pour les protéger et prévenir le risque d’athérosclérose.
Des études épidémiologiques permettent par ailleurs de progresser dans la connaissance des complications associées au syndrome. Les apnées du sommeil semblent notamment accroitre le risque de cancer.Ce phénomène pourrait s’expliquer par la libération de facteurs proangiogéniques en cas d’hypoxie. Il s’agit de facteurs favorables à la croissance vasculaire, elle-même impliquée dans la survenue des cancers. Ce lien reste à confirmer.
Côté prise en charge, les dispositifs médicaux s’améliorent d’année en année. En offrant un meilleur confort aux patients, ils devraient permettre d’améliorer l’observance, c’est à dire le respect des traitements. A l’heure actuelle, ce dernier n’est que de 50 % à 80% selon les études.
Une nouvelle approche thérapeutique est par ailleurs en cours de développement : elle repose sur l’utilisation d’un implant élécetrique.
Fixé sous la peau au niveau du thorax, cet implant est relié à un nerf appelé hypoglosse qui innerve des muscles des voies aériennes supérieures. L’implant déclenche régulièrement la contraction de ces muscles, évitant ainsi le relâchement du pharynx. Cette technique a démontré son efficacité lors d’essais cliniques réalisés chez des sujets sélectionnés, peu obèses et présentant un syndrome d’apnées du sommeil modérément sévère. Son utilisation en pratique clinique nécessite des études complémentaires.